« La nature, c’est la santé ! » Mini-série en deux partie

Partie 1

Partie 2

Gilles Galopin est enseignant-chercheur en biologie végétale à Agrocampus Ouest, devenu récemment l’Institut Agro. Il conduit ses recherches dans le cadre de l’Institut de Recherche en Horticulture et Semences (IRHS), à Angers. Il collabore avec une grande variété de laboratoires, dans les sciences du vivant, certes, mais aussi dans les sciences humaines, et pas seulement.

Il crée aussi de nombreuses passerelles avec les entreprises et le monde associatif. Dans cette mini-série, nous avons abordé le thème sur lequel se concentrent ses travaux depuis une dizaine d’années : les relations entre la nature et la santé. Nous n’aurons pas trop de deux émissions à consacrer à ce sujet et nous avons donc créé ce cycle, cette mini-série en deux épisodes intitulée « La nature, c’est la santé ».

Dans cette première émission, nous allons poser les bases, découvrir comment, dans les villes, créer de nouveaux équilibres s’appuyant sur les bienfaits du végétal en particulier pour la santé. Dans la deuxième émission, nous aborderons plus spécialement le thème des jardins de soins.

Quelle définition de la nature, appliquée à la ville ?

« Je préfère le terme d’écosystème urbain, qui rend bien compte de la diversité du vivant, de ses interactions avec les milieux et qui inclut bien l’humain en son sein. Depuis 15 ans, enfin, heureusement, on a reconnu la ville comme un écosystème ». Une définition dont découlent les « services écosystémiques », au nombre de quatre. La taille des espaces est déterminante pour permettre la fonctionnalité écologique (trames vertes, bleues, brunes).

infographie nature et santé

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"Nature et santé : relations fertiles"

 

Qu’est-ce que la santé ?

« La santé est un état de bien-être complet et, c’est très important, ne se limite pas à l’absence de pathologie. C’est la définition officielle de l’organisation mondiale de la santé, qui date de 1946, que l’on a tendance à oublier. » indique Gilles Galopin. « On parle de pathogenèse, pour qualifier les maladies. Pour qualifier cet état de santé, on parle de salutogenèse ». Attention, la santé « est un phénomène dynamique. L’état de santé dépend du vécu de chacun et peut varier dans le temps ».

 

Comment expliquez-vous devoir aujourd’hui rappeler la nécessité de nous connecter à la nature ?

« L’Homme a cru pouvoir maitriser la nature et s’en extraire. Les villes ont d’ailleurs été créées, il ne faut pas l’oublier, pour protéger les humains des dangers de la nature, à une période ou les humains n’étaient pas en haut de la chaine alimentaire. Ensuite, on a cru pouvoir tourner le dos à la nature. Nous en mesurons aujourd’hui les conséquences, notamment à travers les travaux sur l’extinction de l’expérience de nature », indique Gilles Galopin.

 

Qu’apporte la nature, en ville, en matière de santé ?

« La nature est un facteur de ressources. Elle peut contribuer à la salutogenèse, à notre état complet de bien-être. ». La nature rend des services, les services écosystémiques. « En matière de santé, en plus des services de régulation, comme les ilots de fraicheur, elle rend des services sociaux. C’est d’ailleurs pour ces derniers que nous avons milité pour le maintien des parcs et jardins ouverts, au printemps 2020, comme vous l’indiquez dans votre billet. L’isolement est un facteur de risque pour la santé. Les espaces de nature favorisent la convivialité et sont essentiels, qu’ils soient publics ou privés ».

 

« Les espaces de nature favorisent la convivialité et sont essentiels, qu’ils soient publics ou privés ».

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Quels sont les bénéfices de la nature sur la santé ?

« Nous effectuons une veille internationale, dans le cadre de nos recherches ». « Environ ¼ des publications ont trait aux effets sur la santé physique. La moitié concerne les effets sur la santé mentale. Il y a aussi des travaux sur la santé psycho-sociale. Et enfin, il y a des travaux mixtes, compte tenu de la dimension systémique de la santé et de la nature ». Exemples : « l’activité physique, dans un espace de nature en ville, permet de réduire l’IMC. Un effet important, alors que les services de santé alertent de plus en plus sur l’augmentation des populations en surpoids. Mais ces effets bénéfiques sont multiples, une fois encore, par exemple une diminution du rythme cardiaque ». « On peut aujourd’hui mesurer les effets positifs, comme par exemple la diminution de la consommation d’anxiolytiques ». Citons également les effets sur le Stress et l’anxiété, la dépression, la restauration de l’attention et le déficit de nature, tels que décrits dans la récente synthèse de l’association Plante & Cité (dont les Jardins de Gally sont administrateurs).

Effets bénéfiques nature et santé

Comment explique-t-on ces effets ?

« Il y a la biophilie, qui est un préalable important : l’être humain a un besoin de contact avec le vivant. Il y a d’autres théories », que nous explorerons dans le deuxième épisode. « On parle de déterminants de santé, qui peuvent agir à l’échelle de l’individu, de son lieu de vie et aussi d’environnement au sens large ».

 

Les effets sont-ils toujours bénéfiques ?

« Non, on sait aujourd’hui que certains types d’espaces, fermés et formatés, ont un effet moins important que d’autres. Il y a même des effets négatifs, en lien avec le vécu de chacun, avec l’expérience de nature vécue. Par exemple, une personne qui a été agressée dans un espace vert garde un mauvais souvenir et son expérience est négative pour longtemps ».

 

Quels sont les espaces les plus bénéfiques ?

La composition des espaces va faire que certains vont être plus « ressourçants », plus sécurisants. C’est l’objet de la thèse réalisée par Bastien Vajou, dans une approche pluridisciplinaire, avec un laboratoire en sciences du vivant, un laboratoire de psychologie. Une étude conduite sur le terrain. « Les espaces complexes, avec beaucoup de verticalité, vont amener les gens à analyser l’espace, ce qui est moins restaurateur que les espaces ouverts, où la vue est plus ouverte ». Mais cela dépend aussi du vécu de chacun, les personnes anxieuses ayant une approche pouvant être négative d’espaces complexes.

 

Quels outils pour mesurer l’effet des espaces de nature sur la santé mentale des citadins ?

Avec l’Agence régionale de santé (ARS) des Pays-de-la-Loire, nous avons mené une expérimentation et élaboré une méthodologie, qui permet d’une part d’évaluer la qualité d’espaces de nature existants et, d’autre part, les usages qui y sont développés. Cela est précieux et permet d’agir : par exemple, un banc jamais fréquenté car mal positionné. La pédagogie est aussi un sujet clé. La médiation avec la nature est un sujet en devenir. « Des résultats, non encore publiés, indiquent que fréquenter régulièrement un espace de nature a un impact positif sur la santé mentale. Il faut retrouver des espaces de proximité, la pièce à vivre supplémentaire, comme l’on dit souvent ».

potager entreprise nature urbaine

 

Le billet vert

C’était il y a un an, il y a un siècle, il y a une éternité.

Nous étions comme lions en cage, un peu comme aujourd’hui. C’était le printemps, un printemps où il faisait beau. Une saison qui n’existe, peut-être, que dans les récits historiques. Ici comme ailleurs, on l’appelle le printemps sans fin. Mais c’était tout simplement le nôtre. Il y a un an, y'a un siècle, y a une éternité. Nous faisions des visios en short, des blabla en pyjama. Les calls s’enchainaient, les kids se déchainaient. Même les mamies se piquaient de techno, à base d’anglicismes, avec WhatsApp pour étendard, comme preuve de leur dynamisme. La tendresse digitalisée, à défaut de bises échangées, une sorte de Tinder Family. Eh bien, quoi, il y avait bien, autrefois, Kinder, et la Vache qui rit ?!

Nous étions aussi cette deuxième ligne, entendant l’écho de nos pas dans des lieux vides, des bureaux désertés, comme nous, qui garantissons la propreté, nous, les agents de sécurité, ou nous encore, les jardiniers.

Nous étions également, derrière notre masque, avec amour confectionné, ces commerçants, à suer derrière le comptoir ou la caisse, ou encore nous, ces livreurs, à pédaler, pour nous, clients distants et boulimiques, aux caddies pleins de bonheurs caloriques.

Nous étions enfin ceux pour qui, trouvant soudainement le rideau baissé, être confinés, c’était et c’est encore, voir son travail confisqué.

C’était il y a un an, il y a un siècle, il y a une éternité.

Nous faisions les courses, parés comme des astronautes, dans les super-marchés, le plein air étant alors fermé. Il fallait voir ça : les gants Mapa, les lingettes pour tout aseptiser et même le pain, c’était préconisé, réchauffé à 60 degrés. Nous avions un coup d’avance, ainsi casqués, sur les Daft Punk et Thomas Pesquet.

Parfois, au contraire, nous flânions le nez à l’air, car les masques, introuvables, avaient été déclarés superflus. Ce n’était pourtant pas une « grippette », mais, autorisons-nous aujourd’hui la variante anglaise, une super flu.

Nos sorties avaient le goût de l’interdit, un air des gardiens de la galaxie. Pour quelques dizaines de mètres seulement, marcher seul, le long des rues (où nous allions tous deux avant), derrière les grilles des parcs fermés, donnait la sensation d’explorer la Lune. L’espace, décidemment.

C’était il y a un an, il y a un siècle, il y a une éternité.

Nous oubliions, dans un sens, les casseroles. Les bassesses politiques, à l’exemple des élections municipales, derrière la ligne de front, étaient remisées, mises au placard. Mais c’est toute notre batterie qui tintinnabulait, chaque soir, pour nous donner du courage et pour nous remercier, nous ceux qui nous soignaient et qui nous soignent encore.

Et nous mangions, nous buvions. Nous pétrissions, nous fabriquions, nous cuisinions. Les barbecues s’enchainaient, les litrons se vidaient.

C’était il y a un an, il y a un siècle, il y a une éternité.

Hommes, nous nous laissions pousser la barbe, dès le mois de Marx. Femmes aussi, de nous épiler, quelle barbe ! Nous serions 40 %, du genre féminin, à avoir eu la même pileuse idée. Ce sont autant de moins de prétendants pour le titre suprême, dans moins d’une année, car c’est bien connu, c’est en se rasant, que l’on pense à « y aller ».

Joe Dassin, dans la version originale, disait « Avec ta robe longue, tu ressemblais à une aquarelle de Marie Laurencin ». Nous faisions du sport, dans l’espoir, bien vain, de ressembler à une sculpture de Rodin.

C’était il y a un an, il y a un siècle, il y a une éternité.

Nous écoutions les oiseaux chanter, qui eux-mêmes semblaient prendre leurs aises. Nous nous souvenons tous du cliché de ceux marchant, tranquilles, face à la Comédie française.

Nous regardions ce qui depuis toujours est là, immuable : les floraisons, les fruits, dans les jardins, sur les balconnets.

Nous nous mettions à jardiner. Etait-ce pour nous vider la tête, pendant que souffraient, seuls, une partie de nous, nos potes âgés ?

C’était il y a un proche, il y a 100 000 Français, il y a 3 Millions d’humains, d’individualités.

Nous rêvions de monde d’après, sans savoir que le terme deviendrait, en si peu de temps, désuet.

Je dis « nous », et pas on, pas seulement parce que, petit déjà, on me disait « on est un con », ce qui, en soi, était bien idiot. Je dis nous et pas on, ce pronom indéfini et quelque peu difforme, dont on se détache. Car nous étions éloignés, mais reliés, nous étions bizarres, mais aussi ahuris, nous étions seuls, mais unis.

Et si enfin, ce si long printemps, trouvait un jour sa fin ?