Un atelier Haute bouture, voilà ce que vous invite à réaliser notre dernière chronique jardin. Découvrez ce qu’est une bouture et comment la pratiquer sur une plante qui revient en force : le géranium. Une plante parfois jugée ringarde et pourtant dans l’air du temps : résistante à la sécheresse, parfumée et fleurie. Nous en produisons d’ailleurs à la Ferme horticole Théart, pour orner les façades de grands hôtels parisiens.

Vous aussi, vous voulez, en entreprise, devenir « jardinier-couturier » et pratiquer la haute bouture ?

Découvrez nos ateliers haute bouture, un moyen simple d’apprendre et de partager, de fédérer vos équipes autour d’un sujet responsable. Une activité parfaite pour la Semaine européenne du développement durable, du 18 septembre au 8 octobre et à prolonger toute l’année ! Alors, on met les mains dans la terre ?

En cette rentrée, Pierre, vous nous proposez une chronique haute bouture. Qu’est-ce que cela signifie ?

Une chronique à base de bouture et pas n’importe laquelle, une bouture de saison, d’une plante intemporelle, dont les qualités en font un canon de la mode, malgré sa réputation injustifiée : le géranium.

Tout d’abord, qu’est-ce qu’une bouture ?

C’est un clone. Bouturer, c’est cloner. C’est une technique qui fait partie de ce que l’on appelle la multiplication végétative. Végétative, car c’est un fragment de végétal qui, prélevé sur une plante, permet d’en créer une nouvelle, à l’identique. La multiplication végétative reproduit une plante copie conforme, contrairement au semis. En effet, ce que l’on sème, c’est une graine, produit de la fécondation de l’ovule d’une fleur par le pollen d’une autre fleur. Cela favorise le mélange, le brassage, la diversité. Au contraire, pour le dire simplement, la multiplication végétative, c’est le copié / collé appliqué au végétal.

A quoi sert le bouturage ?

C’est très utile pour produire plusieurs exemplaires d’une plante que l’on aime bien ou pour prolonger sa durée de vie. C’est le cas par exemple du géranium, dont nous parlons aujourd’hui.

Beaucoup de plantes se bouturent à la fin de l’été. Pour quelle raison ?

La mi-août !

Pardon ?

La période du 15 août à fin septembre, correspond à une période où les tiges d’un certain nombre de plantes se renforcent, prennent un peu de « bois », entre guillemets. Le terme exact est la lignification, du nom d’un des principaux composants du bois, qui renforce les tiges jusque-là vertes et molles. Pour se rappeler que ce phénomène intervient au cœur de l’été, on dit de tiges qu’elles sont aoûtées ou semi-aoûtées.

Quelles plantes peuvent être bouturées ?

Nous aurions pu parler de l’herbe à chats, bien à propos à la mi-août. Mais elle ne se bouture pas et reste une herbe bien verte. La plaisanterie s’arrête donc là. Il est en revanche possible de bouturer les Fuchsia, le sureau ou le jasmin étoilé, Trachelospermum jasminoides, et bien sûr, la star du podium de ce jour : le géranium.

Certains qualifient le géranium de plante de grand-mère. Pourquoi, est-elle démodée ?

La mode est un éternel recommencement. Les grands-mères d’aujourd’hui sont à la page et certaines recettes d’antan peuvent nous inspirer pour demain. Le géranium, ou plutôt les géraniacées, car c’est une grande famille, très diverse, présente différents atouts : résistance à la sécheresse, ports retombant (géranium lierre) ou droit (zonale), parfums, vertus médicinales, etc. On parle de géranium mais il y a en réalité deux genres, deux branches dans la famille : les Geranium et les Pelargonium, tous désignés sous le terme de géraniums.

Quelles sont les différences ? N’est-ce pas là une subtilité de botaniste ?

Pour faire court, le genre Geranium regroupe des espèces originaires pour la plupart d’Europe, dont une vingtaine en France et les Pelargonium sont originaires de l’hémisphère sud, notamment en Afrique du Sud. Une partie des Geranium est vivace et ne nécessite pas d’être rentrée l’hiver. Il y a par exemple une plante commune, du bord des chemins, Geranium robertianum, l’herbe à Robert. Rien à voir avec les grands-pères, même si je ne peux pas m’empêcher d’en saluer un, mon père, qui se prénomme Robert. Les Pelargonium sont, eux, gélifs en Europe et il convient de les protéger l’hiver, à part dans certaines zones littorales notamment méditerranéennes. Ce que l’on appelle géranium, sur nos balcons ou nos terrasses, ce sont souvent, au sens botanique, des Pelargonium. Pour les puristes ou si vous aimez la botanique, regardez bien les fleurs et les fruits. C’est toujours là que cela se joue pour déterminer les plantes, pour les classer. Mais c’est une autre histoire, que nous pourrons vous raconter dans une autre chronique !

Comment faire pour bouturer, autrement dit pour copier / coller un géranium ?

Le principe du bouturage, c’est de placer un fragment de plante dans de bonnes conditions, pour que les organes manquants se régénèrent. En l’occurrence, on va prélever un morceau de tige et ce sont donc les racines qui vont manquer. Prélevez donc des tiges, si possible assez solides, pour ne pas dire semi-aoûtées : pas trop vertes, pas trop vieilles et rigides non plus, chacune d’une dizaine de centimètres de longueur. Si vous avez un plant plus compact et donc de petites tiges, cela fonctionne aussi : faites avec ce que vous avez sous la main. Nettoyez bien vos outils entre deux boutures. Cela évite la propagation des virus entre les plants. Avec votre sécateur ou un couteau, coupez net sous un nœud. C’est là que pourront ensuite se former des racines. Il faut ensuite habiller la bouture.

Habiller ? Les jardiniers seraient-ils donc des couturiers ?

Presque ! On dit que l’on habille une bouture. Cela veut tout simplement dire qu’il faut la préparer. Le vocabulaire jardinier est élégant. C’est bien une chronique Haute bouture que nous partageons aujourd’hui avec vous, qu’on se le dise ! Pour commencer, retirez les stipules, ces deux petits appendices juste au-dessus du nœud, qui ressemblent à des mini-feuilles collées à la tige. Il s’agit de préparer la bouture. Supprimez tout bouton floral, autrement dit toute fleur en formation, en haut de la tige : la plante ne doit pas s’épuiser à fleurir, elle doit d’abord produire des racines. Réduisez ensuite le nombre de feuilles, en retirant les feuilles proches de la base de votre bouture. Conservez uniquement les feuilles du haut, disons deux feuilles. L’objectif de cette étape est de trouver un bon équilibre : il faut conserver de la surface de feuilles pour capter de la lumière et, grâce à la photosynthèse, produire de l’énergie pour la plante, mais ne pas trop exposer la plante au soleil, pour limiter l’évapotranspiration et donc le dessèchement de votre bouture. Une fois habillée, la bouture est prête à être plantée. Avec un crayon, plantez de 2 cm environ chaque bouture dans un godet, rempli si possible d’un terreau léger, ou avec un mélange de sable et de terre de jardin. Vous pouvez tremper la base de la bouture dans un peu d’hormone de bouturage, mais ce n’est pas obligatoire, cela fonctionne bien sans. Arrosez avec précaution. Et, si vous le souhaitez, pour créer un effet de serre, on dit comme en cuisine « à l’étouffée » posez, comme une cloche, une demi-bouteille transparente au-dessus. Veillez à ne pas exposer cela en plein soleil et à vérifier régulièrement que le terreau ne se dessèche pas ou que la bouture n’étouffe pas sous l’humidité. Entre 10 jours et 3 semaines sont nécessaires à l’apparition des premières racines. Ensuite, laissez la plante grandir dans son petit pot, que vous mettrez bien à l’abri l’hiver, dans une pièce plutôt fraiche. Plantation au printemps suivant. Et là, croyez-moi, c’est vraiment un défilé de haute bouture, une collection printemps été de fleurs et d’odeurs que vous pourrez présenter fièrement. Pensez aux feuilles unies ou panachées, à celles qui exhalent une odeur de citronnelle, de gingembre et même… de cola !