Un temps ringard, le monstera est redevenu tendance ces dernières années, porté notamment par sa notoriété sur les réseaux sociaux. (Re)découvrez cette plante originaire d'Amérique du Sud qui peut mesurer jusqu'à 6m de haut en respectant quelques conseils simples.

Pourquoi commencer cette chronique par la Compagnie créole, Pierre ?

Parce que j’aime vous emmener en voyage. Un voyage immobile. Et si cela vous met en joie, c’est tant mieux. C’est le but. Avec les plantes d’intérieur, vous allez voyager sans vous déplacer, dans votre salon comme au bureau. Avec le paysage d’intérieur, vous aller adorer l’hiver. Dans les tableaux du douanier Rousseau, vous l’avez sans doute remarqué, chères auditrices et chers auditeurs, la végétation est luxuriante. On y voit des arbres et des plantes de sous-bois. Parmi les plantes d’origine tropicale qui vivent dans nos intérieurs, il y a une de mes préférées, j’ai nommé le Monstera.

Qu’est-ce que le Monstera a de si spécial ?

Tout ! Son nom, déjà, est évocateur. Monstera, le monstre. Mais un monstre tout doux. Monstera, cela exprime quelque chose d’animal, de profondément vivant. Et c’est bien cela qui rend les plantes si importantes dans nos intérieurs, souvent inertes et froids. Elles sont vivantes ! Avec le Monstera, on n’est pas déçu. Les feuilles du Monstera naissent, à sa base, ovales et pleines. Petit à petit, elles se découpent, jusqu’à former comme des palmes, de plusieurs dizaines de centimètres. Les nouvelles feuilles naissent enroulées, comme un petit tube, d’un vert très tendre, avant de s’ouvrir et de prendre des teintes plus profondes. Les feuilles sont épaisses, d’un vert foncé. Elles projettent sur les murs des ombres intrigantes. Les plans qui se superposent entre les vraies feuilles et les ombres forment sur un mur blanc par exemple une ambiance incomparable. Mais ce n’est pas tout. Car Monstera est une plante hémiépiphyte. Cela faisait longtemps, un mot savant de botaniste.

Que signifie hémiépiphyte ?

Epi, cela veut dire autour. Autour de quoi ? D’une plante, phyto en grec. Les plantes épiphytes se développent autour d’une autre plante. Elles s’en servent comme support mais ne le font pas à son détriment. Ce ne sont pas des parasites, mais des compagnes. Dans les forêts tropicales, les orchidées par exemple sont des épiphytes. Elles se développent sur les arbres et, pour boire et se nourrir, elles ont des racines aériennes. Le Monstera est hémiépiphyte car une partie de son cycle de développement se déroule autour d’un arbre. Vous le remarquerez bien vite si vous ne l’avez pas déjà adopté : le Monstera dispose de grandes racines aériennes. Et elles grandissent à mesure que votre plante se développe et renforcent encore son caractère bien vivant.

D’où vient le Monstera ?

Monstera est originaire des forêts tropicales d'Amérique centrale et du Sud. C’est comme dans les tableaux du douanier Rousseau, qui s’est beaucoup inspiré de livres illustrés, des jardins botaniques et d’entretiens avec des soldats français ayant combattu au Mexique, en Amérique centrale.

Comment faire pour cultiver le Monstera ?

Dans les forêts, le Monstera se développe autour d’un arbre, vous l’aurez compris. Il faut donc lui offrir un support dans nos intérieurs. Souvent, il est vendu avec un tuteur assez large, autour duquel est enroulée de la fibre de coco. Ensuite, il est préférable de la préserver des rayons directs du soleil. Ne la collez pas juste derrière une vitre. En effet, dans la forêt, cette plante est abritée par les arbres. Pour l’arrosage, une fois par semaine en période de croissance c’est bien, moins l’hiver. Et souvenez-vous, nous en parlions dans une chronique d’été, disponible en podcast, espacez les arrosages quelques semaines avant de partir en vacances. Pour le substrat, un terreau plutôt léger convient bien. Un Monstera pousse relativement vite, s’il est bien nourri et régulièrement arrosé, de 60 cm à 1m par an. Il peut atteindre jusqu’à 6 m de hauteur. Pas de panique, comme dirait Stéphane Marie. Pour limiter sa croissance, il suffit de le contenir un peu.

On parle aussi de philodendron je crois. Quelle est la différence ?

L’espèce la plus répandue dans les intérieurs est Monstera deliciosa. On l’appelle souvent faux philodendron, ou Philodendron monstera. Philo veut dire ami et dendron, c’est l’arbre. Cela a donné le mot qui désigne la science des arbres, la dendrologie. On retrouve bien ici une plante qui se développe en prenant appui sur un arbre. Monstera et Philodendron monstera sont deux genres cousins, de la même famille, les Aracées. C’est un peu comme Malus et Rosa, le pommier et le rosier, qui sont tous deux de la même famille, celle des rosacées. En plus de Monstera deliciosa, on trouve de plus en plus une plante plus petite, avec des feuilles trouées, Monstera adansonii 'Monkey Leaf', la Plante creuse. Du côté des Philodendrons, il y a 700 espèces, avec des formes sont très diverses. Il y a par exemple Philodendron xanadu, qu’on appelle même maintenant, Thaumatophyllum xanadu (la classification du vivant évolue régulièrement !). Retenez Philodendron xanadu : X A N A D U. Elle a des feuilles très découpées et luisantes et, en plus, elle est facile à cultiver. Les fans de Monstera et de Philodendron ont même un site internet, un grand marché en ligne pour collectionneurs, le site américain Monstera X, qui compte plus de 3000 références.

Savez-vous quel est le prix du Monstera le plus cher sur ce site ?

15 000 dollars. Quand on aime, on ne compte pas. Philodendron spiritus sancti variegata, c’est son nom. C’est une petite plante aux feuilles comme de fines spatules panachées. Elle se multiplie par semis et la forme panachée est très rare.

Un dernier mot pour votre plante chouchou ?

Le Monstera est partout. Il y a encore quelques années, c’était une plante ringarde. Elle est revenue à la mode plus fortement encore. Pourquoi ? Parce qu’elle est tout simplement intemporelle car qu’exceptionnelle. Pour comprendre l’effet d’une telle plante, je vous invite à aller voir les tableaux de Sam Szafran. Une exposition lui a été consacrée l’année dernière, intitulée « Obsessions d’un peintre ». On y apprenait ceci : « Au printemps 1966, le peintre chinois Zao Wou-Ki prête son atelier parisien à Szafran. Le lieu recèle une découverte décisive : « j’ai été absolument incapable d’y travailler : j’étais fasciné par un magnifique philodendron qui resplendissait sous la verrière, et qu’il m’était impossible de dessiner. Cette impuissance était devenue une obsession ». Le peintre, décédé en 2019, n’aura alors de cesse, jusqu’à sa mort de peindre pendant plus de 50 ans, ce motif, avec force détails, en masse et avec le souci de représenter chaque individu. Il peindra notamment à maintes reprises le Monstera très imposant de son atelier, à Malakoff, au sud de la capitale. Et souvent, Lillette, l’épouse du peintre, est représentée, en kimono, au pied de cette plante majestueuse. Retenez bien son nom : Sam Szafran, S Z A F R A N. Je laisse le mot de la fin à l’écrivain américain James Lord, qui disait à propos de l’œuvre de Szafran « Puis il y a un saut dans l’univers du végétal. Des plantes ! Des juxtapositions à l’infini de feuilles avec leur palpitation, leur perfection et profusion à la limite du perceptible, chaque feuille enluminée dans l’air vibrant, avec une précision jardinière. »